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A la découverte des sabaneros du Costa Rica

 

 

Le Guanacaste est une terre d'hommes de travail à cheval. Qu'on le nomme Vaquero ou Sabanero, le cowboy du Guanacaste est présent au Costa Rica depuis bien avant l'arrivée des touristes sur les plages de surf du Pacifique.
Depuis l'époque coloniale, monté sur son cheval, ses nombreux lassos au côté, le sabanero a créé son histoire autour de ses tâches quotidiennes : rassembler et soigner le bétail, le déplacer vers d'autres terres ou vers les étables ainsi que lors des festivités plus colorées qui ont mis en avant ce travail : les topes, les montaderas (monte de taureaux) et les carreras (courses). Aujourd'hui encore on croise au quotidien des sabaneros encadrant un troupeau de vaches brama ou de zébus le long des pistes de la péninsule de Nicoya, flanqués de leurs chiens, au cœur d'une jungle luxuriante.
Allier dans un même voyage la découverte d'une culture équestre à une nature superbement préservée est gage de vacances inoubliables.

Nous sommes accueillis à la Finca, par Kay, la propriétaire. Une américaine installée depuis 20 ans au Costa Rica et épouse d'un costa-ricain, Esteban, dont la famille est dans l'élevage depuis des générations. Kay nous fait visiter les lieux et nous nous installons dans une casita entourée de fleurs tropicales et à la terrasse ombragée.
Avant que nous ne montions en selle, Esteban nous fait une démonstration de monte locale. Ici ils ont des paso-costaricains. Ce sont des criollos croisés avec des pasos péruviens. Ils sont donc moins paso fino mais conservent cette démarche dansante avec les antérieurs qui se lèvent très haut et assurent la propulsion. Le paso costa-ricain a été reconnu comme race il y a 50 ans et les premiers pasos finos péruviens ont été amenés il y a 200 ans. Maintenant Kay et Esteban élèvent des chevaux alliant le paso au paint pour avoir des chevaux à la fois jolis, avec des robes tachetées, et l'allure confortable du paso.
J'hérite de Sky, une jument paint superbe, avec l'œil gauche bleu, que je pars faire tourner dans la carrière pour retrouver mes marques. J'ai une selle d'endurance très confortable, les costa-ricains ont adopté les selles McLellan s'adaptant particulièrement bien à la morphologie de leurs chevaux, et on nous fournit un tabouret pour monter plus facilement et ménager le dos du cheval (si c'est pas des vacances ça !).

Et c'est parti pour notre première balade par de larges allées de terre séparant des terrains et propriétés. C'est vert et humide. A la saison sèche les feuilles tombent, puis les arbres fleurissent en une explosion de couleur. Nous traversons des villages où les gens sont sous les porches, dans les hamacs et fauteuils à bascule, des gamins courent. On voit plein de petits chiens, chats, poules. Les fleurs abondent dans les jardins. Les oiseaux de paradis semblent être la mauvaise herbe locale la plus répandue, faisant souvent office de clôture dans les jardins.
Nous nous arrêtons dîner à Portegolpe, petit village perdu . Je poursuis mon étude du plat traditionnel, le casado, à base de riz, haricots rouges, bananes plantains, salade et viande. Les moustiques attaquent. La télé diffuse la compétition qui a lieu à Liberia avec les épreuves des chevaux paso, rodéo… Le 25 juillet, jour de la fête du Guanacaste, il y a un immense tope à Liberia avec plus de 500 chevaux et toutes les épreuves en démonstration. La culture sabanero est très présente dans la région et les villages vibrent au rythme des chevaux.
Nous rentrerons dans la nuit noire, le soleil se couche à 18h30, faisant une confiance absolue à nos chevaux et l'oreille aux aguets surpris par les cris inhabituels de la nuit.

Le lendemain nous partons vers Tempate, l'une des plus vieilles villes du Guanacaste, empruntant la vieille piste espagnole, menant à Tempisque, sur le Pacifique, pour le transport des marchandises par bateau. Le fleuve Tempisque se jette dans l'océan à l'est de la Péninsule de Nicoya dans une baie protégée où les bateaux pouvaient donc accoster en toute sécurité. Nous passons entre des propriétés anciennes et étendues où les pâtures vertes font penser au bocage normand. Si l'on excepte les palmiers, guanascaste, l'arbre symbole du pays, figuiers étrangleurs et flamboyants… Leurs vaches, principalement des brama, sont surprenantes, les zébus sont également nombreux. De grandes oreilles, un garrot très busqué, un goitre pendant. Certains mâles sont réellement impressionnants.
Nous nous arrêtons déjeuner à Tempate dans un petit restaurant local. Nous sommes passés auprès de la place centrale incontournable : grand carré d'herbe avec des cages de but de football (dont les ticos sont fanatiques) et… rien d'autre. Aucune installation, quelques bancs, l'arrêt du bus, sinon la place se prête à tout ce qu'on veut en faire. Tempate n'a probablement pas changé depuis sa création. C'est tout petit, des chemins de terre. La seule différence ce sont sans doute les paraboles et le fait que l'électricité a fini par arriver. Sans doute il n'y a pas si longtemps. Esteban me racontait qu'enfant il faisait ses devoirs à la bougie car dans son village l'électricité n'est arrivée que lorsqu'il avait une dizaine d'années.
Nous poursuivons par la piste espagnole, montant la montagne qui nous sépare de la côte. Tout le long de la péninsule, une petite chaîne de montagne sépare l'intérieur des terres des plages. Je discute avec Esteban qui m'explique que la zone entre les montagnes et la côte manque d'eau ce qui freine la construction et le développement (tant mieux quelque part). Nous évoquons les soucis écologiques. Ils ont un vrai problème avec les ordures et le recyclage n'en est qu'à ses balbutiements. Au Costa Rica les étrangers sont arrivés en masse après les deux guerres, et plus récemment ce sont les américains qui ont colonisé le pays, les étrangers sont donc plutôt bien accueillis. Par contre, la modernisation s'est faite plus vite que l'évolution des habitudes et mentalités. Et là il y a choc culturel. Les gens étaient habitués à manger une banane et jeter la peau par la fenêtre, ils font la même chose avec les canettes de Coca, mais elles se désagrègent un peu moins vite…

Le sabanero qui aimait Dostoïevski. Esteban adore Dostoïevski et c'est en le citant dans ses lettres qu'il a séduit Kay. Il est Zotecnista, l'équivalent de vétérinaire. Il est né à Cartagena, pas très loin d'ici. Sa mère était institutrice. Ses sœurs sont également institutrices (il y a des écoles dans TOUS les villages que nous traversons) et son frère a également fait des études supérieurs. Pour des gamins qui ont fait leurs devoirs à la bougie… La famille d'Esteban était dans l'élevage. Lui a travaillé deux ans à l'hacienda Los Ahogados, une propriété de 12 000 hectares, comptant entre 12 et 15000 têtes de bétail. Il adorait ce travail car il était tout le temps à cheval.

Les deux termes finca et hacienda définissent la propriété. L'hacienda commence à 400-500 hectares, la finca est plus petite. Le sabanero est un employé fixe d'une propriété. Il possède une "escuadra", un troupeau, de 6-8 chevaux avec lesquels il travaille. Un par jour, deux si le travail est très dur. Il faut tenir compte du climat particulièrement pénible : la chaleur (le Guanacaste est la région la plus chaude du pays), la pluie, la jungle tropicale qu'il faut ouvrir à la machette pour progresser. Quand le sabanero dresse ses chevaux il est exempté du travail à l'hacienda. Chacun dresse ses chevaux, étant ainsi entièrement responsable de la qualité de ses montures. Le terrain rend le travail très dur. Attraper une vache au milieu de la "maleza", le bois, est une tâche ardue, il ne faut pas rater les occasions quand le terrain se dégage. Les chevaux sont dressés à baisser la tête sous les lianes pour passer, charge au cavalier de se dégager comme il peut derrière.

Aujourd'hui, nous ne montons pas à cheval, mais partons au parc Rincon de la Vieja, un parc naturel protégeant deux volcans actifs et la forêt tropicale sèche du Guanacaste, ainsi qu'un parc marin abritant une plage de surf mythique. Rincon de la Vieja définit la ligne de partage de eaux du pays, c'est la que prend sa source le Tempisque.
Nous partons avec Esteban pour une randonnée de deux heures au cœur de la jungle. Les arbres sont époustouflants. Absolument géants avec des lianes dans tous les sens, des racines courant sur les sentiers, des figuiers étrangleurs (ces arbres me fascinent). Les colonies de fourmis portent leurs feuilles et plus loin nous croisons une ligne de fourmis guerrières. Celles-là il vaut mieux ne pas marcher dessus car elles sont vraiment méchantes. Puis nous accédons à la partie "active" du volcan. Des fumerolles, des lagunes bouillonnantes, en fait des cuvettes d'eau de pluie chauffée par les vapeurs sortant par des cheminées. Ce sent mauvais (forcément) et l'on entend les bruits de la terre, le sifflement de la vapeur, le glou-glou des boues. Dire qu'on est sur un volcan qui un de ces quatre va probablement sérieusement se fâcher…
Nous partons ensuite pour Santa Rosa, un parc historique et naturel. En 1800 il s'agissait d'une hacienda avec des pâtures gagnées sur la jungle, maintenant ils ont laissé repousser et la forêt tropicale sèche (par opposition à la forêt tropicale humide dans le reste du pays – la rainforest) a repris ses droits. Si on cesse de travailler les terres, la forêt reprend vite ses droits et au bout de 3-4 ans la forêt a tout envahi. Ceci a facilité le retour à la "nature" des portions du pays déboisées pour l'agriculture, mais implique aussi un travail quotidien pour garder les pâtures en état.
L'hacienda Santa Rosa est maintenant un musée présentant la faune et flore propres à la région, quelques objets traditionnels et une partie retraçant la "guerre". Les grandes prairies sur lesquelles paissait le bétail sont maintenant de la forêt. A l'extérieur les corrals de pierre derrière lesquels s'étaient cachés les costa-ricains sont toujours debout, superbes rappelant ceux que l'on voit au Mexique. On trouve également ici quelques-uns des rares pictogrammes indiens du pays. Ici comme ailleurs en Amérique centrale et du sud, peu d'indiens ont survécu à l'invasion espagnole…

Après un petit déjeuner de pancakes, Kay nous fait un petit cours pour faire le paso. D'abord sur une jument "spécialiste" puis je le fais sur Sky. Les chevaux ont naturellement l'allure, il suffit de contrôler la vitesse et d'accompagner un peu des mains. Un confort inégalable…
Nous partons vers 11h00 pour une petite balade à travers le rancho Cartagena. Ce sont de jolies pâtures boisées, peuplées de vaches et chevaux. Des pistes de terre nous permettent de progresser tranquillement et de galoper à loisir.
Nous nous arrêtons dans un petit village au Chilito pour déguster "le meilleur poulet rôti de la région", accompagné de bananes plantains frites. Pas vraiment léger, mais délicieux. Nous sommes sur une crête, la vue porte sur la jungle alentour, la vue est époustouflante. Nous profiterons de l'après-midi pour aller visiter le refuge des singes où un petit groupe de bénévoles et vétérinaires accueillent des animaux blessés pour les soigner avant de leur rendre leur liberté.

Le lendemain nous partons pour notre balade à la plage, chez Erika une amie de Kay. Elles s'échangent leurs cavaliers. Les criollos d'Erika sont habitués à la plage contrairement à ceux de Kay plus à l'aise au milieu des vaches. En chemin nous croisons un sabanero qui conduit son troupeau.
Superbe balade sur la plage au départ de Junquillal, plage à tortues. C'est la plage la plus occidentale du pays. Nous remontons jusqu'à Playa Negra, une plage de sable noire. Nous croisons de nombreux surfeurs. Ici les rouleaux sont exceptionnels et nous sommes sur l'océan ouvert et non des baies protégées. Les chevaux sont particulièrement courageux et acceptent facilement de galoper dans le sable un peu trop mou à mon goût, et même dans plus de 60 centimètres d'eau quand une énorme vague vient nous arroser. Après une petite pause dans un bar à surfeurs, nous repartons en sens inverse. En chemin nous entendons le cri caractéristique du singe hurleur, celui qui nous sert de réveil matin à la finca, et nous débusquons un groupe d'une dizaine de bêtes sur un arbre.
Nous partons déjeuner sur la plage Avellanas, spot de surf réputé. Belle plage pour les surfeurs, donc pas pour les baigneurs, rochers, vagues trop fortes. Déjeuner sympa sur une belle table en bois naturel, sous les palmiers, vue sur la plage et… Lola. Une cochonne qui vit sa vie, va se baigner dans les vagues et fouille les sacs des touristes à la recherche de friandises. Elle appartient aux propriétaires du restaurant, des amis de Kay. Lui est un ancien mannequin de New York, d'origine hollandaise, qui est venu en vacances et comme beaucoup s'est installé. Nous détonons avec nos jeans trempés (le galop dans l'eau ça mouille) et en bottes, là où tout le monde est en maillot et tongues. Petite baignade et balade dans une eau chaude et des vagues assez violentes, au milieu de beaux surfeurs musclés...
Pour notre dernière soirée, nous irons admirer le coucher de soleil à Brasilito et dîner dans un des nombreux restaurants bordant la plage. Notre séjour à la finca prend fin, nous profiterons du tope à Liberia le lendemain.