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L’impensable convoyage des Andes

 

 

Le nom à lui seul fait rêver, la réalité est à la hauteur (à tous les sens du terme du reste, l’Aconcagua n’est pas bien loin). Deux jours après le retour, quelques instantanés de ce fabuleux circuit…

Dimanche 24 avril 2006
Les gens sont arrivés de manière plus ou moins disséminée, mais l’accueil « officiel » se faisait à l’aéroport de Mendoza le dimanche. Evidemment, et une fois n’est pas coutume, l’avion a de l’avance et les passagers ne sont pas débarqués à la bonne porte. Heureusement l’aéroport n’est pas bien grand et les derniers arrivés nous repèrent assez facilement. Malgré tous nos efforts nous ne passerons jamais pour des argentins et puis Rémy a son nom sur son blouson… facile !
Départ dans le Nissan pour San Rafaël où Edgardo, le coordinateur local, nous accueille chez lui avec quelques empanadillas et bouteilles de bière. Petite pause bienvenue car il reste encore environ 2 heures de route et là-haut la tempête (de neige) fait rage. L’occasion aussi de faire un peu connaissance.
Arrivée à notre hosteria sous la neige. C’est tout simplement magnifique, un vrai paysage de carte postale. Et Edgardo un peu fatigué rate le bassin à truites et y glisse la roue avant de sa Renault. Ce premier incident nous donnera la « running joke » de la semaine : en Argentine la truite se pêche à la Scénic. Ces messieurs se dévoueront pour sortir la voiture de ce mauvais pas… Après le dîner, malgré la fatigue du voyage, nous poussons les tables et nous installons autour de Mario pour une première veillée en chansons. Je traduis quelques-uns des textes pour que chacun profite de ces paroles simples, parlant d’hommes et de femmes, de nature et d’amour, de la vie… la vraie. Cerise sur le gâteau, Corinne a une voix superbe et nous régale de quelques chansons populaires françaises qui nous permettent de l’accompagner sur les refrains (et là je traduis pour Mario…). Mais les yeux se font lourds et demain il faut se lever tôt, les couchettes sont les bienvenues.

Lundi. Arrivée au refuge qui nous abritera pendant notre séjour sur la cordillère (le temps de rassembler les bêtes). Situé à 2000 mètres, il est superbe, doté d’une grande cheminée, d’immenses baies vitrées nous laissant voir toute la magie des montagnes (coup de chance c’est la pleine lune !) ; plus qu’un refuge un véritable chalet de montagne avec tout le confort (on apprécie à l’avance sachant que des nuits de bivouac un peu plus rudes nous attendent). Petit couac, Nivaldo n’est pas au puesto. En fait nous nous apercevrons plus tard que nous nous sommes ratés à quelques minutes. En attendant, nous en profitons pour nous installer, visiter les ruines de l’ancien hôtel thermal, déjeuner notre premier asado et attaquer sérieusement les premières bouteilles de Malbec. Ca n’est pas un peu de retard dans le programme qui va nous abattre.
Nous peaufinons notre nouvelle langue : le Fragnol, destinée à permettre la communication entre deux cultures différentes et édictons notre première maxime : « Malbeco ma non tropo ».
Premier après-midi à cheval sur ces robustes criollos de la cordillère. Ils ne sont pas bien grands, mais ont le pied sûr et rien ne les effraie ; certainement pas les dénivelés impressionnants sur lesquels nous les engageons. Les locaux sont surpris et inquiets quand Jean-Michel met pied à terre pour ménager sa monture. Inquiets pour Jean-Michel bien sûr pensant qu’il a un souci, car jamais personne n’envisagerait de descendre de cheval pour lui faciliter la vie sur une pente un peu ardue. Le soleil brille et tape sur la neige. Nous avons tous pensé aux lunettes (Mario a bien insisté sur ce sujet au petit déjeuner ce matin, prêt à nous en faire acheter de force) mais côté crème solaire nous n’avons pas prévu les bons indices. Nous serons tous écarlates ce soir !

Mardi. Aujourd’hui nous rassemblons les bêtes en nous séparant en petits groupes. Les vaches sont éparpillées aux quatre coins de la montagne et il s’agit de les faire redescendre vers la vallée. Gilbert parle espagnol et nous nous séparons afin de pouvoir assurer la traduction avec Nivaldo, Alexis, Leo et Mario qui eux bien sûr ne parlent pas français, ni anglais – c’est le (très modeste) prix à payer pour éviter les sites touristiques. D’un autre côté, les gestes sont parfois suffisants quand on a compris le but de la manœuvre… mais là parfois, même pour nous bilingues, le « but » n’était pas toujours très clair… Déjeuner à 2700 mètres d’altitude, à l’abri du vent, le soleil tapant il fait carrément beau, certains font la sieste sur leurs peaux de moutons. Pommes grillées caramélisées en dessert, un vrai régal, comme les pommes d’amour de notre enfance, acides et sucrées à la fois, les colorants en moins, le plaisir de l’interdit en plus.
Nous repartons au fond de la vallée, aux abords d’un défilé, persuadés d’y avoir vu des vaches, qui s’avéreront bien évidemment être des rochers ! Plus loin nous nous séparons de nouveau, conduisant des bêtes d’un côté et récupérant celles qui arrivent par vagues du haut de la crête poussées par le deuxième groupe de cavaliers.
Spectacle inouï et indescriptible, mélange de couleurs, de sons, d’odeurs. Se mêlant dans un kaléidoscope magique les roux et noirs des robes des vaches, les pelages bariolés des borders colleys, les verts des buissons, le blanc de la neige, les meuglements des animaux, les aboiements des chiens, les cris des humains « vaca, vaca », les arômes s’élevant des buissons écrasés, le parfum de la terre remuée, l’odeur des hommes et des bêtes... J’avais oublié à quel point, il existe un véritable son et odeur « déplacement de bétail ».
Gladys, l’épouse de Nivaldo, nous a préparé des « tortas fritas », sorte de beignet plat fait à base de farine, d’eau et de saindoux de vache. La torta frita est une véritable institution sud-américaine qui accompagnée de maté réchauffe les froids après-midi de l’hiver. Ici on n’échappe pas au goûter, le dîner intervenant plus tard, un peu à l’heure espagnole. Et si l’on remplace le maté par de la bière c’est parce que l’air est très sec et qu’il faut bien qu’on s’hydrate…
Ce soir nous préparons nos affaires pour le bivouac des deux prochaines nuits ; faute de confort les affaires de toilettes sont limitées, par contre il risque de faire froid. Puis Mario va chercher les peaux de moutons, éteint les lumières, allume une bougie, sort des bières et nous nous installons par terre à côté de la cheminée à l’écouter chanter. Ambiance douce et feutrée, bercée par les paroles mélancoliques des chansons régionales. Difficile d’aller se coucher après ça, on aurait envie que ça dure toute la nuit. Mais il est tard et demain la journée sera longue.

Mercredi. Au programme de ce matin, récupérer quelques juments encore éloignées, descendre les vaches dans la vallée pour les faire paître et boire, aller vérifier s’il n’y a pas d’autres bêtes égarées en amont de la vallée. En petits groupes chacun prend son poste. Je reste à surveiller le troupeau qui mange paisiblement, en tournant autour lentement on évite que les vaches n’aillent s’éparpiller partout. Elles connaissent bien mieux que nous le programme et les plus hardies sont prêtes à prendre la route tout de suite et seules... Nous les enfermons dans un corral, et, en attendant que le déjeuner soit prêt, partons à la chasse aux fossiles (la cordillère en regorge).
Le temps de prendre un coup de sabot dans le genou (plus de peur que de mal) et le convoyage à proprement parler peut commencer. Nous poussons quelques juments rejoindre les vaches, pendant qu’un autre groupe descend les chèvres. Le corral est ouvert et c’est parti ! Je pensais que les chèvres seraient des animaux difficiles à conduire. En fait, ces chères bestioles sont assez disciplinées car très grégaires. Elles restent donc groupées et avancent (tout du moins dans un premier temps) à vive allure. Deux groupes s’organisent donc, les chèvres d’un côté, les vaches et juments de l’autre. Estimant que mon genou n’est pas d’attaque pour un rythme rapide je reste avec les vaches. Ca me donnera une bonne excuse pour revenir et tester les chèvres la prochaine fois ! Nous empruntons une piste dans la vallée et poussons les vaches afin qu’elles avancent. Gilbert s’entraîne au lasso et Jean-Michel pris de pitié pour un petit veau d’une semaine finit par le prendre sur ses genoux. Epuisé, il ne protestera même pas. Sa mère inquiète passera l’après-midi à le chercher, sentant son odeur, mais incapable de lever la tête pour le repérer. C’est con une vache…
Nous arrivons à la tombée du jour dans une sorte de cirque de verdure. Les animaux sont enfermés dans les corrals et nous laissons nos propres chevaux subvenir à leurs besoins en eau et nourriture. L’équipe a déjà monté les tentes (tant mieux, dans le noir monter une tente qu’on ne connaît pas…) et le goûter nous attend sur une table (on se donne bonne conscience en se disant qu’on s’est dépensé et qu’il fait froid, au diable les régimes !). Nous nous installons autour du feu, couvertures sur les épaules – avec la nuit, le froid est revenu – à boire de la bière et du maté en attendant que Mario finisse de mijoter son poulet. Un véritable délice. Puis couchés à même le sol, protégés du vent par les mêmes troncs qui nous ont servi de siège nous écoutons Mario nous raconter la promise légende de l’indien (dont on voit le profil sur la montagne face au refuge). Il enchaîne sur une autre histoire métaphorique et peu à peu les valeureux aspirants gauchos partent rejoindre leurs tentes, me libérant sur la fin de la nécessité de traduire les textes comparés de Gilbert et Mario. C’est égoïste, mais quel plaisir de tout comprendre tout de même !!

Jeudi. J’avais décidé de dormir à la belle étoile le ciel étant époustouflant et perturbant – on ne reconnaît aucune constellation ! Bien m’en a pris, au petit matin la pluie m’a obligée à une retraite rapide dans la tente des filles en ne ménageant pas mon genou ankylosé par la nuit à la dure. Les lingettes sont de sortie et un bon café nous attend dans le puesto, à l’abri des éléments. Le temps de finir ce repas matinal, la pluie s’est arrêtée et nous pouvons tranquillement nous préparer à partir. Le chemin le plus court d’un point à un autre étant la ligne droite nous partons à l’assaut de la montagne en face de nous, poussant les vaches et chevaux, puis à travers des sentiers plus ou moins formés par les années d’utilisation. Nous traversons les nuages, redescendons dans les vallées, établissons le royaume de Fragnolie au creux d’une montagne… la réalité de notre quotidien oubliée dans des paysages qui ont vu les indiens chasser les troupeaux de ñandus à coup de bolas...
Nouvelle chasse aux fossiles (je me souvenais de l’endroit de l’année dernière) et déjeuner auprès d’un lac. Le soleil brille, il fait chaud. Des gauchos voisins s’approchent de nous pour s’assurer que les bêtes ne se mélangent pas et une course poursuite s’engage quand une vache et son veau décident de venir se joindre à nous. Chaque animal retrouve son troupeau et nous poursuivons notre avancée jusqu’à notre bivouac après avoir traversé une route, la seule approchée depuis lundi ! On fait entrer les animaux dans un champ qui fait je ne sais combien d’hectares – ça va être pratique de récupérer les bêtes demain matin tiens ! – et on installe le camp. Tentes d’un côté, cuisine/salon de l’autre. Au menu : chèvre grillée. Deux de ces pauvres bêtes qu’on a poussé toute la journée. Et si ça, ça n’est pas de la viande fraîche. Un peu ferme, mais quel délice ! Chansonnette et discussion autour du feu, la nuit est humide, c’est un peu désagréable. Tant mieux, la quemadilla (alcool flambé) de Mario nous réchauffe à souhait. Mais quelle chance nous poursuit depuis le début ! Pas une goutte d’eau, pas un flocon de neige, pas un brin de vent pendant nos journées à cheval, des conditions optimales pour monter.

Vendredi. Petit déjeuner au coin du feu et belle pagaille quand deux des chevaux (dont le mien) décident que finalement non, aujourd’hui ils ne travailleront pas (ces bougres savaient probablement ce qui les attendait). Il nous reste environ 4 à 5 heures à faire jusqu’au puesto où l’on doit conduire les animaux. Nous décidons de le faire d’une traite et de déjeuner tardivement à notre arrivée. La journée sera en fait plus longue que prévue car afin que les vaches n’essaient pas de repartir seules le chemin suivi est tout en courbes et zig-zags. Tandis que le groupe accompagnant les chèvres arrivera dans le temps imparti, notre groupe mettra plus de 7 heures pour parvenir à destination ; épuisés, assoiffés, mais satisfaits et fiers du travail accompli. Un excellent ragoût avec les restes de chèvre a vite fait de nous faire oublier notre fatigue. Petite séquence rigolade quand Gilbert se joint aux gauchos du puesto pour montrer ses talents nouvellement acquis au lasso et retour vers l’hosteria. Non sans avoir fait une pause pour changer un deuxième pneu crevé. Les pistes empruntées ne sont pas toujours tendres avec les véhicules… ou nos dos !
Alexis et Léo sont venus boire un dernier verre avec nous et l’on nous propose à dîner. Malgré les protestations « mais non, on a déjeuné tard », les raviolis ne font pas long feu dans les assiettes. Demain petit déjeuner à 5h30 pour être au plus tôt à l’estancia. Gloops, il est déjà minuit…

Samedi. Je me suis portée volontaire pour réveiller les chambrées. Les bagages ayant été préparés hier, les douches prises également à notre arrivée, on a tôt fait de charger les véhicules et partir. Petite pause au seul magasin du coin pour quelques achats et arrivée à l’estancia où les chevaux nous attendent. J’hérite d’une extraordinaire jument, un peu haute pour moi et à la bouche sensible mais avec laquelle je me régale. Nous déplaçons quelques vaches (environ 500), un peu plus dynamiques que celles de la montagne, nous nous payons quelques galops dans les canyons créés par les torrents en période de pluie et assistons au marquage des animaux qui bat son plein. Séance de « travail » sur les arrêts glissés, séquence voltige improvisée et Jean-Pierre part au galop assis à l’envers sur son cheval…
Dîner d’adieu un peu triste, comme toutes ces choses qu’on aimerait ne jamais se voir terminer. Certains d’entre nous restent quelques jours de plus, ce qui ne fait que rajouter à la douleur du départ des autres.

Venu chercher autre chose qu’une simple randonnée, chacun aura trouvé une nouvelle façon de monter à cheval, vécu avec passion une liberté à cheval que l’on ne rencontre nulle part ailleurs. Loin de toutes les obligations et contraintes du quotidien, loin de ceux pour qui l’on a une place à tenir, ce séjour aura permis à chacun d’entre nous de se faire plaisir jusqu’au bout du rêve, jusqu’au bout de sa passion, d’oublier les années et l’âge pour n’être plus qu’un petit garçon ou une petite fille ayant enfin l’occasion pour une fois dans sa vie de jouer au cowboy pour de vrai, avec un vrai cheval, de vraies vaches, de vrais décors et avec de nouveaux amis qu’ils n’oublieront plus jamais. Et une promesse sur le chemin du retour : nous retrouver très bientôt sur les mêmes lieux !

Pour finir, un vers de l’une des chansons de Mario « y si estoy aqui es porque creo en mi infancia » (et si je suis ici c’est parce que j’ai foi en mon enfance), qui résume mieux que n’importe quel texte ce qu’aura été ce séjour pour chacun de nous. Un voyage dans l’espace et le temps…