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Convoyage en Utah, retour aux sources

 

 

1999, je partais pour mon premier voyage équestre dans l’ouest américain. La découverte de paysages somptueux, des cowboys, de l’espace infini allait marquer un véritable tournant dans ma vie.
2014. J’ai eu la chance de multiplier les voyages aux quatre coins du monde et ai découvert bien d’autres cultures équestres mais l’appel de l’ouest est toujours présent. 15 ans après, la réalité sera-t-elle à la hauteur du rêve ou la mémoire a-t-elle habillé d’un halo idéalisé des décors juste beaux ?

30 octobre, j’ai à nouveau chargé mes chaps et mon chapeau, direction Las Vegas, la ville de tous les excès. Après une journée de vol, je pose le pied à McCarran airport. Les machines à sous continuent à clignoter et les panneaux de publicité géants ont peu changé. Blue Man Group est toujours à l’affiche, même si ce ne sont plus les mêmes chanteurs. Dehors les néons illuminent toujours cette ville du désert où la nuit et le jour n’existent pas. Les montres n’ont pas leur place, les casinos tamisent leurs lumières, à l’intérieur des immenses hôtels-casinos le temps n’a pas le droit à la parole.

31 octobre, Happy Halloween ! Mais comment savoir qui est déguisé dans une ville où les adultes redeviennent des enfants et tout n’est qu’apparence ? La réalité n’a pas de prise ici, si ce ne sont les milliards de dollars dépensés sur les tables des casinos.
Le groupe est au complet, décalage horaire oblige il faut aller réveiller les retardataires dans leurs chambres. Nous partons de bonne heure. Une longue journée de route nous attend jusqu’à Monument Valley.
Premier arrêt en route pour un brunch copieux. A St George, capitale des Mormons avec son immense temple blanc. Nous nous y arrêterons le temps de quelques courses. La route est splendide, les plaines à perte de vue, les immenses maisons des mormons nous confirment que la polygamie bien qu’officiellement interdite est toujours présente. Le grès rouge est omniprésent, le ciel bleu, le soleil implacable. Rien n’a changé ni depuis 1999 ni depuis la nuit des temps.
Lac Powell a lui changé, le niveau d’eau a baissé de façon dramatique. J’apprends que l’un des sites où nous nous étions rendus en bateau pour le plaisir de rouler dans une dune est maintenant à un kilomètre à l’intérieur des terres. Le lac de barrage sur le Colorado alimente la centrale hydroélectrique de Page, la ville comptant le plus grand nombre d’églises au monde, toutes les confessions sont présentes.
Nous entrons en territoire indien. Navajo Mountain, l’une des quatre montagnes sacrées des indiens impose sa silhouette dans un immense plateau. Une particularité géologique habille le désert de sculptures naturelles. Alors que chez nous les volcans nous laissent admirer leurs flancs arrondis et leurs cratères, ici ce sont les cheminées qui se sont pétrifiées tandis que le reste du volcan a été érodé. Il en reste d’immenses buttes et aiguilles, rouges encore, aux formes surprenantes.
Nous voici enfin à Monument Valley. Le soleil se couche sur la vue la plus célèbre du parc, celle que le monde entier connaît, celle que le cinéma ne se fatigue pas de remettre en scène. Les Mitaines et Merrick’s Butte sont toujours là, inchangées depuis ma dernière visite. Ma mémoire n’a rien idéalisé, c’est toujours aussi spectaculaire, aussi magique…
Le parc est fermé aux visiteurs à cette heure-ci. Nous soulevons la barrière et rentrons néanmoins. Notre camp nous attend chez les navajos, nous dormirons à l’intérieur même du parc, seuls touristes sur les lieux.
Nos hôtes nous accueillent. Il fait nuit, l’air est frais mais le dîner est bientôt prêt. Autour de nous les étoiles se lèvent sur le parc, les « 3 Sœurs » sont à nos côtés, elles veilleront sur nous pendant les trois prochains jours.
Le hogan est l’habitation traditionnelle des navajos, sédentaires (les tipis plus connus des européens étaient les habitations des indiens nomades des plaines). De forme octogonale, fait de bois et de terre, le hogan accueille la famille. Au centre un poêle fournit chaleur et foyer. J’y installe mon duvet, d’autres préféreront dormir sous la tente.
Séjourner dans un site aussi magique, dans des conditions uniques (il est interdit de camper dans le parc) a son prix : peu de confort. Une cabane « au fond du jardin » offre un minimum d’intimité, pour la toilette il faudra se contenter de lingettes et d’un peu d’eau. Mais quelle importance quand on se réveille au petit matin dans un paysage si grandiose. Le soleil se lève et les ombres courent sur les parois, découvrant à tous instants de nouvelles perspectives, de nouveaux motifs… épuisant les batteries de nos appareils photo.
Aux US le petit déjeuner est un vrai repas, installés sur des bancs et chaises nous dégusterons allègrement œufs brouillés, bacon, pommes de terre et des litres de café. Au risque de passer pour excentrique (mais j’ai été affublée de pires surnoms), j’adore le café américain, léger avec une goutte de lait en poudre, je pourrais en boire des litres. Je m’abstiendrai, il y aura peu d’arbres pendant la balade à cheval.
Une piste d’une vingtaine de kilomètres permet aux visiteurs de parcourir le parc en voiture et de s’arrêter auprès des roches les plus connues. Le reste du parc est hors limites, inaccessible… sauf à nous.
Nous prenons nos chevaux au corral. Ils sont en forme, bien nourris, les selles en bon état général. Nous voilà partis sur le parcours « classique », il nous faut voir les formations les plus célèbres : East Mitten, West Mitten, Merrick Butte, Elephant Butte, Camel Butte, The Thumb (aussi dit la botte), Snoopy… pas besoin de beaucoup d’imagination pour retrouver le nom donné à chaque formation géologique, et en laissant divaguer un peu son imagination chaque ombre, chaque surface, chaque éperon trouve un nom qui parle à chacun.
Nous voici au pied de Totem Pole, au milieu du plateau, entouré de sable, il s’impose, solitaire, s’élevant fièrement sur son socle de pierre. Nous mettrons pied à terre un peu plus loin pour escalader une pente et admirer la plaine à perte de vue sous nos pieds. Au loin, the Rooster (le coq) semble prêt à entamer son chant. Tout autour le désert ocre parsemé de quelques buissons vert pâle. Et en tendant l’oreille on entend encore le crissement des roues, le claquement des fouets, les cris d’encouragement des pionniers de la Chevauchée Fantastique (Stagecoach). John Wayne ton esprit vole-t-il encore dans le vent ?
Nous pique-niquerons dans immense « cave » où la pluie et le vent ont gravé des dessins : un cheval, un lapin, un indien…
Nous repartons plus profondément dans le parc. Ici plus de piste, nous slalomons entre roches et canyons, auprès de quelques arbres égarés qui ont su trouver l’humidité nécessaire à leur survie.
Nous rentrerons au corral les yeux pleins d’images et du sable collé au visage. On dîne de bonne heure. A 18h00, le repas typique à base de haricot, pain indien, riz, viande nous réchauffera tandis que la température baisse rapidement. Ayant mis la main sur quelques bouts de bois (pas une mince affaire par ici) je fais griller quelques marshmallows et réussis à faire quelques adeptes. Le vent s’est levé, la température se rafraîchit encore. Il fait nuit. Deux jours de voyage, une journée en selle, 8 heures de décalage horaire, à 20h00 tout le monde est sous son duvet profitant d’un sommeil bien mérité.

Le vent a soufflé toute la nuit et rafraîchi sérieusement les températures. Nos hôtes nous invitent chez eux pour prendre le petit déjeuner au chaud. La maison est un hogan « moderne » ; la forme traditionnelle est conservée mais les matériaux utilisés sont industriels et la taille de la pièce peut ainsi être plus importante. Le poêle au milieu de la pièce nous réchauffe agréablement.
Nous repartons pour une nouvelle journée en selle et la visite de la vallée encaissée où nous nous trouvons. Des murs infranchissables entourent une immense plaine, les falaises inégales créent des poches où nous nous aventurons. Nous trouverons ainsi un ancien puits dans une alcôve où poussent quelques arbres. Plus loin nous visitons des restes de civilisation Anasazi. Il faut se livrer à un peu d’escalade mais nous découvrons ainsi des peintures rupestres et une cache à grains. De là-haut la vue sur la vallée que nous chevauchons depuis le matin est à couper le souffle. Notre camp est à peine visible au loin. Sous la corniche, à l’abri du vent, il fait bon, le soleil s’est levé. Surprenantes ces différences de températures entre le soir et le jour. Nous poursuivons notre tour de la vallée. Des parois sont couvertes de peintures rupestres, animaux, mains, spirales… Premiers arts primitifs ou symboles religieux ? La culture Anasazi n’a pas laissé de traces écrites et a disparu en laissant un grand mystère derrière elle.
La plaine nous offre de belles occasions de galop sur un terrain souple et on n’en finit pas de prendre des photos. On souhaiterait avoir davantage d’yeux pour tout absorber.
Au hasard d’un corral nous coursons quelques vaches, puis repoussons quelques chevaux en liberté qui viennent vers nous. Les indiens viendront les chercher quand ils en auront besoin. Avec la fin de la haute saison, les chevaux sont relâchés, trouvant nourriture, eau et abri dans le parc, retrouvant la liberté qu’ils ont connue avant que les indiens ne deviennent les extraordinaires cavaliers qu’ils furent.
S’il a fait beau dans la journée, la température a rapidement baissé encore une fois. Nous nous réfugions dans le hogan et allumons le poêle. Nous y dînerons à l’abri des éléments dans une joyeuse convivialité.
Il est temps de quitter les plaines chères à John Ford. Nous remballons nos affaires et balayons le hogan, achetons quelques bijoux indiens au stand et faisons nos adieux à nos nouveaux amis.

Nous sommes sur la route à nouveau. Désert et roches ocre, ciel bleu et toujours cette immensité infinie. Direction Arches et ses arches de pierre délicates. En novembre peu de touristes s’aventurent encore dans ces lieux. Nous aurons les sentiers de randonnée presque pour nous seuls. Un premier canyon nous permet d’étudier la formation des couches sédimentaires et l’action de l’eau, du vent qui conduisent au fil du temps à ces ponts naturels à l’allure si fragile. Balanced Rock où un rocher de la taille de trois bus tient en équilibre sur un socle trois fois plus petit, Double Arch et ses deux arches perpendiculaires adjacentes. Les Sal Mountains à l’horizon sont grises et contrastent étrangement avec le grès rouge omniprésent. Un peu de neige sur les sommets ajoute une pointe de couleur différente. Les jaunes, ocres, rouges, verts se mêlent dans un kaléidoscope indescriptible… et toujours ces arches si délicates.
Nous nous installons à l’hôtel pour la nuit. Le retour aux commodités de la civilisation est bien agréable après trois jours de bivouac. Cela fait du bien d’en manquer de temps à autre pour apprécier toute la chance et le confort que nous avons.
Après une balade en ville pour un peu de shopping, nous quittons Moab, bien vide en cette saison. De nombreuses boutiques sont fermées, les hôtels affichent de la disponibilité et les équipements de rafting sont en train d’être rangés. Après les millions de visiteurs de l’été, la ville redevient un village perdu au milieu des montagnes…
Sur le chemin du ranch, nous voici à Capitol Reef, un autre parc naturel. Ses montagnes infranchissables en ont longtemps fait une véritable barrière avant que l’on ne découvre un passage devenu route. Les mormons s’y sont installés, toujours à la recherche d’une terre d’où on ne les chasserait pas une nouvelle fois. L’eau et les températures douces ont permis des cultures et encore aujourd’hui les nombreux vergers fournissent des fruits en abondance en saison. A Fruitia l’école du village est encore là. L’éducation était jugée primordiale par les mormons qui éduquaient filles et garçons. Avant eux les Fremont habitaient les lieux. Tous comme les anasazi et tant d’autres cultures, ils ont laissé leurs pictogrammes sur les parois, nous dévoilant des animaux disparus depuis et des mystères insondables. Après trois jours dans le désert, la présence de tant d’arbres autour de nous est un véritable plaisir. Les feuilles jaunes de l’automne se mêlent au rouge des parois et à un ciel d’un bleu pur sans le moindre nuage. Ici l’eau a travaillé la roche encaissant la rivière dans un nombre de virages sans fin. Plus loin nous traversons la forêt. L’air est plus humide, avec un parfum de neige à venir. D’un point de vue nous observons les terres que nous allons parcourir à cheval dans les jours qui viennent, un labyrinthe de passages à travers la roche.
Mais direction le ranch, les cowboys nous attendent pour déplacer leur troupeau.
Le ranch n’a pas changé, les rondins sont toujours en place sur la base de pierres et si les propriétaires que j’avais connu en 99 ont quitté les lieux, le site est toujours aussi agréable. Nous nous installons dans les pièces, certains partent à la douche, je m’installe sous le porche à admirer les lieux. Peu de choses ont changé. Les chevaux ne sont plus en pâture devant la maison, mais les montagnes, la rivière, l’horizon sont les mêmes. Et je me souviens de la pluie de météorites que nous avions observée tandis qu’en France on attendait la fin du monde sensée accompagner l’éclipse de soleil du mois d’août. Nostalgie quand tu nous tiens… Nous dînons chez des amis de « notre » cowboy. Matt et Vicky nous accueillent en toute simplicité dans une grande pièce où la cheminée offre sa chaleur si chaleureuse. Le dîner est succulent, avec pain et dessert maison.

La météo a annoncé de la pluie, mais les nuages se contenteront de nous menacer. Au petit matin après un petit déjeuner copieux, nous partons pour le corral prendre nos chevaux. Comme tout départ, cela prend du temps. Breck s’assure qu’il trouve la monture adaptée à chacun puis que chacun se sent suffisamment à l’aise sur sa selle. Je monterai Kristy, la jument de sa fille âgée de 7 ans. Une superbe jument, obéissante, calme, sur laquelle je prendrai un plaisir immense toute la semaine en me sentant extraordinairement en sécurité. Une fois les chevaux prêts nous les chargeons dans le van. Ils sont habitués à être transportés et montent seuls dans le van, se dirigent vers le fond et ne bougent plus. Quand je pense aux soucis que nous connaissons à chaque fois qu’il nous faut charger un cheval chez nous…
Nous montons dans les pick-ups, direction le corral municipal où sont parquées les vaches. Le travail commence. Chacun se voit confier une tâche : couper la route à tel endroit, surveiller telle allée, bloquer un sentier, pousser les vaches. Dans un mélange de mugissements, d’aboiements et de cris humains, nous voilà partis. Nous poussons les bêtes, admirant les couleurs exceptionnelles autour de nous. Le blanc est beaucoup plus présent sur les roches ici, toujours mélangé à l’ocre. Les arbres ont encore quelques feuilles jaunes à leurs branches, à la sortie du village les pâturages sont vert tendre. Et l’on aimerait pouvoir mettre sur une toile ce mélange de tons. Dans l’ensemble les vaches avancent bien, restant sur leur piste, mais certaines bêtes sont toujours plus récalcitrantes, s’enfonçant dans les fourrés, essayant de franchir une clôture. Il faut garder l’œil et constamment s’assurer qu’un moment de distraction ne nous a pas positionné en travers du troupeau. Les virages se succèdent révélant de nouvelles perspectives à chaque détour. Comme il faut toujours quelqu’un pour surveiller le troupeau, nous ferons des poses en cadence pour déjeuner, par petits groupes, les affinités se créent. Vicky nous a concocté des sandwichs à se damner et des cookies dont nous lui demanderons la recette à la fin de la semaine.
Les heures passent, les vaches avancent, le ciel reste menaçant promesse de pluie à venir. Nous abordons le dernier virage après 11 miles de déplacement. Un immense canyon s’ouvre à nos pieds tandis que nous descendons une dernière pente. Nous faisons avancer les vaches dans le canyon, les canalisant afin de faciliter le départ demain. Elles y trouveront le nécessaire pour s’alimenter et se reposeront. Certaines repartiront sans doute seules dans la nuit, d’autres bien sûr s’égareront dans les sous-bois ou feront demi-tour, mais on verra demain. Nous mettons pied à terre. Les plus malins ont gardé leur cookie pour le goûter et se régalent en attendant que les pick-ups viennent nous récupérer. Nous en profitons pour parler de cette première journée. Rien à voir avec une randonnée normale…

Comme il fallait s’y attendre, les vaches ne sont pas restées à nous attendre gentiment. Certaines ont effectivement avancé mais de nombreuses ont fait demi-tour. Nous passerons un bon moment à les débusquer des sous-bois, ruisseaux et petits canyons où elles se sont éparpillées. Nous essayons d’aider au mieux afin de les canaliser et les remettre sur le bon chemin. Pas une mince affaire. Nous admirons les cowboys travailler, toute une vie à cheval ça ne s’improvise pas.
Le cayon est long, très long... Il offre l’avantage de maintenir le troupeau dans la bonne direction sans risque d’éparpillement. Cela nous permet à nous de nous disperser, allant explorer les bas-côtés, les corniches et les poches dans la roche, aller galoper dans le lit asséché du ruisseau.
Gérald, un ami de Breck, s’est joint à nous. Nous le surnommerons le cowboy aux dents blanches. Il a un sourire extraordinaire et des dents d’une blancheur Ultrabrite. Comme beaucoup, le bétail est sa passion mais pour vivre il est ingénieur. Alors le week-end et quand il peut prendre des jours de congé, il s’occupe des vaches. De fait, ce sont ses vaches que nous sommes en train de déplacer. Les cowboys sont particulièrement attachés à leurs traditions, le convoyage en fait partie, car après tout il serait sans doute plus facile de simplement charger les bêtes dans des camions, du moins pour une partie du voyage. Mais l’élevage n’est pas toujours rentable financièrement, alors comme Gérald, de nombreux cowboys travaillent à la ville en semaine et retrouvent leur ranch pour le week-end.
C’est bizarre, ce canyon m’avait paru beaucoup plus long la première fois… Bientôt nous arrivons en haut d’une côte, le spectacle est époustouflant. Je me souviens encore du choc la première fois, il est tout aussi puissant 12 ans après. C’est tout simplement incroyable. Au fond la vallée entrecoupée de roches, d’arbres, de buissons et à l’horizon les montagnes qui encadrent le site. Les couleurs explosent, l’espace est infini et l’on ressent une impression de création du monde, comme si l’on assistait enfin à ce qu’était notre planète quand les dinosaures la parcouraient encore. Un sentiment que la nature vous rentre littéralement dans la peau, que vous êtes absorbé par le lieu. Non, le temps n’a pas idéalisé les souvenirs, c’est la simple réalité, c’est tout simplement éblouissant. Nous poursuivons le chemin, prenant le temps de regarder aussi derrière nous car les paysages ne sont pas juste époustouflants devant mais aussi à l’arrière. Arrivés sur une plaine, nous conduisons les vaches vers un point d’eau où elles s’abreuvent longuement ainsi que nos chevaux. Un corral nous permettra de les y enfermer pour la nuit, facilitant le départ du lendemain. L’un des vans nous rattrape avec du foin pour les vaches. Abreuvées, nourries, reposées, elles seront en pleine forme pour avancer vite le lendemain. Nous laissons les chevaux dans un deuxième corral, les selles à l’abri dans le van. La température a encore baissé, nous allumons un feu en attendant le départ.
Au ranch, c’est la fête. Becky nous a préparé le repas traditionnel de Thanksgiving, dinde, purée, sauce aux canneberges, tarte au potiron, tout y est. Un vrai régal. Et tandis que nous prenons le chemin de nos chambres, les premiers flocons de neige font leur apparition.

Au petit matin, tout est recouvert d’un épais manteau blanc. C’est somptueux. Pour moi, citadine, la neige est toujours synonyme de trottoirs glissants, d’amas de neige noire et polluée. En fait, la température est plus élevée que la veille et une douce neige tombera doucement tout au long de la journée. Les bruits s’estompent dans la neige et l’on hésite presque à parler de peur de rompre le charme. Les vaches avancent vite. Les galops avec la neige frappant le visage se font amusants. Personne n’a vraiment envie de descendre de cheval, nous pique-niquerons en selle. Sandwich d’une main, rênes de l’autre, j’adore !
Nous arriverons de bonne heure au corral qui abritera les vaches pour la nuit. A nouveau, nous leur donnons du foin et repartons au triple galop en direction des vans. Course poursuite dans la neige épaisse, les flocons de plus en plus épais nous fouettant le visage, grisant.
Nous ramenons les chevaux au corral de la veille et en attendant de repartir buvons une bière autour du feu que nous avons pu faire repartir malgré l’humidité. Une journée en selle, une belle journée de travail, un bon feu, une bière fraîche, et si le bonheur finalement existait vraiment ?

Le lendemain, le soleil a refait son apparition. L’épisode neigeux d’hier n’était qu’une passade ; après tout, nous sommes dans une zone désertique, la pluie n’est jamais bien méchante. Nous repartons pour une longue journée. Nous n’avons pas de veaux qui souvent ralentissent le rythme, les vaches sont nourries le soir, tous les ingrédients sont réunis pour que les animaux soient en bonne forme et avancent vite. Le terrain offre de belles opportunités pour s’éloigner du troupeau et admirer les environs. Chacun en profitera à son tour, zigzaguer entre les genévriers, explorer le fond d’un ruisseau asséché, grimper sur une hauteur. Au bout d’un dernier virage, le paysage change soudainement, nous voici à l’approche des Moodies, des falaises de grès dans tous les sens créent un labyrinthe infini de canyons.
Amusés par l’idée de pique-niquer en selle, nous recommencerons aujourd’hui sans aucune raison, juste pour le plaisir de rester à cheval un peu plus encore. Nous continuons à pousser les vaches jusqu’à un wash, rivière asséchée, derrière une clôture. Un corral nous permet d’y laisser nos chevaux. Nous sommes au pied d’une mine de cuivre. La chute en bois est toujours là, mais l’entrée de la mine a désormais été fermée pour éviter les accidents. Demain nous reviendrons rassembler à nouveau les vaches pour les pousser plus loin, vers l’eau qui fait cruellement défaut.

Dernière journée et comme le travail va être plus simple, les épouses sont venues avec les enfants. Tous en selle. Breck monte avec son gamin de 15 mois dans un kangourou au dos, Gillian reprend sa jument, Vicky et Becky nous accompagnent. Nous passerons de longs moments à chercher les vaches qui se sont dispersées dans ce labyrinthe de roche. Avec Remy nous montons dans les hauteurs vérifier qu’aucune bête n’a escaladé et est passée de l’autre côté, l’occasion de tester le pied plus que sûr de nos montures. Le soleil est resplendissant, la neige ici a totalement fondu, nous sommes en hauteur regardant le bétail et les autres cavaliers le long du wash, les rattrapant quand il n’est pas possible de passer ailleurs. Une incroyable journée en selle, de l’avis de tous probablement la plus belle… comme souvent quand c’est la dernière. Nous poussons les vaches dans un dernier passage et faisons demi-tour. L’aventure est terminée. Et pour clôturer un séjour de rêve, Vicky et un ami chanteront pour nous après le dîner.

Non, les souvenirs n’ont pas embelli la réalité. Le site est toujours aussi magique, les décors à couper le souffle, l’espace infini, les gens admirables et accueillants. 12 ans après, ma vie a changé, je sais pourquoi…